Article 4
Doute, quand tu me prends !

Question existentielle :
Mes valeurs sont-elles en opposition avec le monde du travail ?
Sérieusement, il y a des attitudes illogiques chez certaines gens dans les entreprises et les organismes gouvernementaux que je ne comprends pas. (Je crois que ça s’appelle les jeux "poule-litiques"...) En fait, je comprends leur nature, mais je ne comprends pas pourquoi des gens compétents et sains d’esprit en sont complices.
Le pire pour moi personnellement, c’est qu’au-delà de mes compétences reconnues pour accompagner des leaders et des équipes dans leurs projets de transformation complexes...
Je suis une personne hypersensible, et trop d’absurdités dictées
par des égos gonflés affectent directement ma santé. Épuisement.
Je réalise qu’en vieillissant, je ne peux plus nier mon authenticité et mon hypersensibilité. La machine de performance que j’ai toujours été, connecte de plus en plus à l’humain en moi et aussi, et surtout, avec les autres humains dans les organisations impactées par les changements.
Je ne suis pas la seule… Je constate de plus en plus dans les entreprises que les gens sont saturés eux aussi de tous les changements qu’ils vivent. Professionnellement, on vit depuis longtemps en automates programmés, mais là tout change.
Tout change trop rapidement…
Nos mécanismes déraillent.
On doit faire un entretien de service !
Revisiter mon modèle d’affaires, en miroir de mes clients…
Dans ma propre quête d’authenticité et d’équilibre, je réalise que je dois changer ma façon de penser, et aussi mon modèle d’affaires pour revoir comment je pourrais sincèrement aider plus efficacement mes clients tout en préservant mon intégrité. En fait, j’aimerais aider concrètement sans me rendre malade ou me sentir constamment sur un siège éjectable.

« La gestion du changement est un sport extrême ! » [1]
- Notre environnement est devenu en quelque sorte plus « imprévu, hostile et mouvant », à l’instar de « prévisible, favorable et stable » où il était encore permis de comprendre ce que veut dire « avoir une zone de confort » et la « loyauté au travail ».
Pour assurer la survie de notre minimum de sécurité et de liberté dans l’environnement d’aujourd’hui, nous sommes contraints de transmuter notre façon de penser et d’agir plus judicieusement afin de devenir des êtres plus agiles et flexibles.
On a l'impression que tout est orienté court terme, surtout dans certaines cultures. N'est-il plus possible de semer dans le long terme aussi, mais d’une façon à la fois stratégique et pratique ? (Parce que peu importe où on travaille, surtout en Amérique du Nord, ça prend des résultats pour hier !).
En développant de nouvelles compétences d’adaptation humaine (et non seulement des solutions court terme), nous mettons en place le terrain propice pour retrouver nos repères et la perception de notre environnement redeviendra moins menaçante.
Nous sommes à l’aube d’un nouveau genre d'empowerment, celui d’un humain plus adaptable personnellement, professionnellement et dans une organisation qui, elle aussi impose ses propres exigences d’agilité.
Suis-je prête pour ce futur client ?
La conseillère ressources humaines (RH) de l’entreprise demanderesse m’appelle pour me convoquer en entrevue avec : le chef des finances (CFO), la directrice des technologies de l’information (DTI) et une consultante externe en ressources humaines (de la firme de ressources humaines référée par Lise). J’accepte mais comme vous le savez maintenant, j’ai beaucoup d’appréhension…
La méchante consultante en moi sait bien qu'elle a amplement le bagage de compétences et d’expériences requis pour ce mandat mais une autre petite voix plus sensible celle-là ne cesse de hurler : « Attention, ce projet pourrait te rendre malade… »
Alors la panique me prend. En fait, à partir du moment où ce rendez-vous est confirmé, je ne dors plus, j’ai des poings dans le dos, des brûlements d’estomac, des palpitations et même la diarrhée ! Phénomènes rarissimes… Enfin, à part l’insomnie.
Ma machine de méchante consultante
et mon humaine hypersensible
s’obstinent en continue!
Je me dis, probablement que ce n’est pas pour moi ce projet… Je devrais lire les signes ; je n’ai même pas commencé cette nouvelle assignation et j'en ressens déjà les effets secondaires !
Je décide de ne pas en rester là. Un peu masochiste direz-vous, je choisis de traverser cette peur, de la comprendre.
Lors d’un 5 à 7 avec un groupe de collaborateurs occasionnels, j’en parle à Jean, un spécialiste en stratégie et modèle d’affaires. Il comprend bien mon malaise et me dit :
« N’es-tu pas la meilleure personne pour répondre à leur besoin ? Mais de quoi t’as peur ? »
« J’ai peur d’entrer en héros et de sortir du projet en zéro… » (Vous connaissez déjà mon état d’esprit.)
« OK mais d’où ça vient cette peur ? »
Alors je lui explique ma lecture de l’environnement du prospect, ma capacité à entrer dans une organisation, ma facilité à entrer en contact avec les gens, la confiance et les résultats rapides que j’obtiens, jusque-là tout va bien ? Mais oui c’est ma phase HÉROS ! Mais pourquoi ça se gâte ?
Parce que dès que je commence à faire partie des meubles dans un projet complexe, je constate que mes interventions sont moins efficaces. Je crois que tout humain qui doit gérer à la fois le monde rationnel et le monde émotionnel de ses clients en transformation, prend bien des risques de perdre son objectivité par trop de complexités et de messages possiblement incohérents. Tout est dans la démarche et une présence volontairement stratégique et tactique…
Je vais parler pour moi ici. Mais peut-être que ça vous concerne aussi ce sentiment que faisant partie des meubles vous n’arrivez pas aussi bien à démontrer votre crédibilité ou à faire valoir vos points ? Combien de fois j’ai entendu cette frustration de la part des gens les plus expérimentés et loyaux de l’organisation !
En « gestion du changement » notre rôle doit servir de catalyseur… Je crois que des risques majeurs se manifestent lorsqu'on ne peut se permettre de prendre du recul, parce que comme probablement la majorité d'entre vous, j’ai le vilain défaut d’être trop investie, trop généreuse et qu’à partir de là :
- Le client en demande toujours plus et on perd la perspective globale ainsi que le fil des priorités, surtout celles relatives à l’investissement pour développer l’agilité et la capacité d’adaptation sur le long terme.
- Le focus sur les résultats reprend le dessus et on retourne dans notre mécanisme de machine… et finalement, l’humain ne bénéficie pas de toute notre sensibilité qui fait une si grande différence dans le respect du rythme d’adoption des changements par les employés.
- Ou le pire (pour nous comme pour notre client), on devient émotif et on perd notre objectivité et, si on ne prend pas rapidement de mesures pour retrouver notre équilibre et notre solidité intérieure, tout doucement c’est notre santé qui nous fait des signes… Et oui, nous sommes tous humains !
C'est un grand défi pour moi certes, mais surtout, c'est colossal pour les agents et leaders de changements en entreprise. Je cherche à trouver des solutions… Comment équiper les gens pour éviter ces problématiques?
Défaut ou qualité ?
J’ai un autre défaut d’ex-mère indigne. Je mise beaucoup sur l’autonomie de mes clients alors, lorsque les gens apprennent à gérer eux-mêmes leur changement, mes contrats sont écourtés.
Du point de vue succès de l’intervention, c’est beaucoup de satisfaction, mais ça me cause d’autres soucis.
Bon, c’est mon journal de bord alors je vais me plaindre un peu ici ! Mon portefeuille me demande parfois :
- Pourquoi tu tiens tant à rendre ton client autonome le plus rapidement possible ?
- Pourquoi tu n’aimes pas de bonnes affectations temps plein offrant une sécurité d’emploi et des revenus stables ?
Parce que je veux aider le plus de clients possibles. J’ai l’impression que mes clients ne me croient pas quand je leur affirme que mon intention est de les voir voler de leurs propres ailes au plus vite tout en étant bien sûr là, comme filet de sécurité, tant qu’il sera nécessaire.
Être une méchante consultante ne veut pas juste dire être orientée résultats à tout prix, mais aussi, peut inclure d'utiliser des approches pouvant être inconfortables avec la programmation actuelle « très rationnelle » du milieu professionnel. Comme mentionné dans un article précédent, ces valeurs peuvent avoir l’effet de froisser certaines personnes, surtout les personnes au pouvoir.
Par conséquent, malgré une intervention selon les règles de l'art, il m’est parfois arrivée de me faire saboter mes initiatives délibérément jusqu’à ce que ça me rende malade ou qu’on s’arrange pour me remplacer sans pré-avis…
Même en tant que méchante consultante, je suis bien intentionnée. Je veux aider l’entreprise à atteindre les résultats visés par le management et, ma partie plus humaine, veut que ça se produise pour le bien de tous les individus, même ceux qui n’arriveront pas à passer à travers les changements en cours.
- Combien d’entreprises prennent en considération ceux qui doivent changer complètement leurs valeurs ou leurs façons de penser ou qui même qui quitteront l'entreprise dans ces périodes ?
- Est-ce possible d’envisager le succès d’un projet tout en respectant chacun des humains qui seront touchés par ce que provoque la transformation ?
Au 5 à 7 Jean me dit : « Comment peux-tu modifier ton modèle d’affaires pour refléter ta philosophie ? » Bonne question ! J’y réfléchis.
En attendant, je vais aller rencontrer le client et me faire une idée plus juste.
Pas de panique coco-nut !
[1] Avait dit un de mes collègues de travail lors d’un mandat difficile en Europe…
Et vous de votre côté ?
- Vous est-il déjà arrivé d’être anxieux avant d’envisager débuter un nouveau défi, un nouveau projet ?