Article 6
Écoutez-moi SVP !

« Ça suffit ! Écoutez-moi ! » Dis-je les poings frappant sur la table. Mais dans quoi me suis-je embarquée ?
Tout le monde est énervé et parle en même temps. Je tente de dire quelque chose et rien ne passe. Je me réveille découragée et je sors du lit brusquement. »
Je suis la veille du début officiel de mon mandat avec mon nouveau client. J’espère que ce n’est pas un rêve prémonitoire ! Sourire les yeux petits, un peu découragée.
Début du sprint, premières rencontres officielles
Mandat confirmé et fidèle au poste le vendredi matin, je rencontre toute l’équipe de direction du projet, incluant la conseillère RH qui est au téléphone, en « congé » aux États-Unis.
Le sentiment d’urgence est palpable. Je regarde donc mes trois clients et pour briser la glace, je leur raconte candidement mon rêve.
« Écoutez-moi ! » m’écris-je en riant et en frappant à la blague la table du poing.
Et le CFO de me répondre : « C’est fou mais, j’ai eu exactement le même rêve il y a deux semaines ! » Fou de rires partagés. Comme quoi parfois dédramatiser par l’humour peut créer des liens.
La date prévue de lancement du projet technologique est la semaine prochaine…
Avec l’intégration de la démarche en gestion du changement, ils ont besoin d’une date révisée et réaliste pour démarrer le grand projet.
Mais le plus rapidement possible s’il-vous-plait !
En même temps, comment peuvent-ils se sentir prêts à 100%?
Les ressources requises pour le projet et pour remplacer
celle qui seront sur le projet, ne sont pas toutes identifiées !
Sans avertissement, le CFO insiste pour que je rencontre le président dès ce matin-là. Je dois avouer que je me sens un peu bousculée. Ce n'était pas prévu à l'agenda ! Mais en même temps, il faut que je comprenne rapidement dans quoi je m’embarque !
Sourire inquiet.
10 minutes de malaise
Le président est un homme septuagénaire qui détient maintenant cette entreprise depuis près d’un demi-siècle ! Il est d’allure plus jeune que son âge, habillé en jeans avec une chemise pâle et un débardeur en cuir marron. Il semble à la fois décontracté et suspicieux à mon arrivée dans son grand bureau.
Je suis nerveuse alors, comme à mon habitude dans ces moments, je vais dans mon cœur puiser la force d’être bien centrée et à son écoute… mais là, virement de situation; je me retrouve en mode interrogatoire en règle !
“Hi Stéphanie, so, why do we need change management?”
Il est à noter que tout se passe en anglais et que malgré ma maîtrise de cette langue dans des contextes professionnels complexes, en tentant de répondre à sa première question sans préliminaire, je me surprends à regarder le débardeur marron et je me sens soudainement très linguistiquement rouillée ! Je chasse cette idée de ma tête et, pour palier à mon inconfort et je lui répète mécaniquement, presque mot à mot, les propos peut-être un peu trop réalistes du CFO reliés aux multiples risques de ne pas faire, mais aussi les risques inhérents à ce type de projet.
Mauvaise stratégie !
Son non verbal me fait part de sa déception à l’idée qu’il n’y a que du négatif dans ce projet et qu’il aimerait bien que ce soit plus stimulant, plus mobilisant pour tous.
« Where’s the fun in this? » Me dit-il finalement, découragé.
Je suis prise dans mon paradigme. Je n’ai pas assez de recul sur la situation et je ne suis pas assez préparée. (Ça fait à peine 90 minutes que j’ai débuté mon mandat et je ne savais pas que je le rencontrais aujourd’hui… my bad).
Stressée par ma médiocre prestation, je n’arrive pas à lui partager comment je vois la gestion du changement, surtout la façon innovante que je veux l’implanter chez lui. Impossible de lui exprimer toute l'efficacité, le positif, le bienveillant et le plaisir que ça peut apporter dans des projets aussi exigeants que celui-là. Parce qu’avant d’avoir du fun, il faut faire un travail de fond important… Et ce bout-là, de rigueur, est aussi un mal nécessaire. Note à moi-même : Préparer ton discours d’ascenseur pour les imprévus !

Il me challenge de nouveau :
« Please could you describe the best and the worst ERP project you have worked on? »
Le meilleur et le pire, ouf.
Le meilleur projet ERP qui me vient en tête était chez un client dans l’administration aéroportuaire où nous avons mis d’énormes efforts dans l’analyse des processus et des impacts, dans la gestion du changement et dans une formation sur mesure.

Ça s’est bien passé mais avec des efforts significatifs. Pour clore la démarche et juste avant la formation, le client avait même organisé une pièce de théâtre caricaturant les différents postes touchés par l’implantation du nouveau système. Ça touchait l’imaginaire !
Pour les pires, je lui dis que j’en ai plusieurs en liste (j’en ai tellement que ça se bouscule dans ma tête, je cherche le plus pertinent) … Il sourit ironiquement et me libère de mon embêtement en me partageant qu’il a deux amis présidents de grandes entreprises qui ont implanté ce ERP et ça n’a pas été facile, et même que pour l’un d’eux, ce fût une histoire d’horreur très dispendieuse. Vraiment pas encourageant.
Enfin, on discute encore un peu dans l'inconfort et on se quitte. Je dois vous avouer que je suis très insatisfaite de ma rencontre. Ça ne s’est pas passé à mon goût, je n’ai pas pu montrer mes vraies couleurs, présenter l’efficacité, voire la puissance de ce que la gestion du changement peut leur apporter.
Mais surtout, c’est que je sens bien ce « personnage » d’entrepreneur visionnaire, audacieux qui, au-delà de faire de l’argent, valorise la loyauté et le plaisir plus que tout. En fait, on dirait qu’il voit son entreprise comme un grand terrain de jeu où il y joue avec ses amis dont il ne veut que du bien. Si j’avais son âge, je ne voudrais m’amuser et ne pas me donner trop de misère non plus !
En parallèle de ma rencontre avec le président, les personnes responsables d’organiser ma logistique de rencontres avec les membres du comité de gestion sont à l’extérieur du bureau. Une aux États-Unis, partie voir ses parents parce que c’est son anniversaire, et une deuxième qui est en congé parce qu’elle travaille quatre jours semaine… mais surprise, tout sera organisé avant la fin de la journée ! Je suis stupéfaite… dans l’urgence, ils agissent efficacement…
Je passerai le reste de la journée à me remettre de mes émotions en prenant connaissance du projet technologique avec la Directrice TI. Ça me donnera un beau moment pour apprendre à la connaitre et reconnaître son style de leadership, qui semble à prime abord être plus collaboratif que directif.
Tout va très vite en ce début de projet et je dois jongler avec beaucoup d’imprécisions. Je me dis, un jour à la fois, essayons un peu de repos ce weekend…
Mais voilà, comme repos pour me remettre de ce nouveau départ intense, je ne serai pas gâtée. Mon conjoint d'une forme exceptionnelle et décide de débuter simultanément les travaux dans deux pièces de la maison ! Il faut que ça avance… je sais, je sais, mais ces rénovations annoncent plusieurs semaines, (en espérant pas des mois) sans repos, ni quiétude et ni air pur d’une maison « normale ».
Et vous, vous est-il arrivé de vous faire prendre de cours?
- Pour une présentation spontanée devant un président ou une équipe de direction ?
- Comment avez-vous réagi?
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